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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

plus haut x, de cette raideur, parfois, « d’homme armé » ? Il n’est guère possible, en ce cas, de la distinguer de la nature même de Beethoven ; et une telle recherche serait de peu d’intérêt. En vérité, je n’arrive à relever, dans cette période préliminaire à la catastrophe de 1802-1803, que sur l’âme de Beethoven, et non sur sa technique, l’empreinte de son mal : les sauvages sursauts et la mélancolie. Même durant la période d’exaltation souveraine, que j’étudie dans ce livre, la raison volontaire garde le contrôle constant et la maîtrise absolue sur tous les éléments qui lui viennent des sens ; rien n’est laissé au hasard ; et les chocs acoustiques les plus inattendus, comme la fameuse rentrée des cors avant la reprise du premier morceau de Y Héroïque, si elle a pu avoir sa source dans une hallucination auditive a été (nous l’avons vu) froidement calculée, voulue et imposée, pendant tout le long travail du morceau. Ce n’est qu’à partir de l’époque des quatuors Rasoumolîsky (1806) que je distingue nettement un ébranlement dans la maison et la brusque intrusion d’étranges éléments qui ont forcé la porte.

Mais je ne nie aucunement qu’ils ne s’y soient glissés déjà subrepticement depuis une dizaine d’années. Le propre du génie est de plier à son service tout ce qui constitue ou déforme sa nature, ses forces comme ses faiblesses, et jusqu’à ses maladies. Le maître, en cette espèce, a été Goethe ; et si j’ai le temps de peindre, un jour, le portrait que je lui dois, je montrerai comment il a su faire des éléments 11. Cî. p. 177.