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BEETHOVEN

morbides qui abondaient en U i un principe de richesse et de force spirituelle. Beethoven, beaucoup moins conscient, mais d’instinct plus puissant, a, par le seul courant de son énergie vitale, emporté dans son flot tous les obstacles, et il les a broyés dans le riche limon que roule le fleuve de sa substance. Quand je vois énumérés 1, parmi les vibrations anormales qui assiègent l’oreille du malade : ■— les obsessions rythmiques de régiments qui passent, les lourds pas de multitudes qui martèlent la terre, le roulement de chariots qui s’éloignent dans la nuit, les coups répétés de marteaux qui frappent sur une poutre de fer, le teuf-teuf de deux trains arrêtés sous la pluie torrentielle, la furieuse psalmodie d’une foule soulevée, —• ou, dans un ordre d’impressions tout différent, des fanfares, des cloches 1 2, une immense volière d’oiseaux qui « chantent juste », etc. —• pouvons-nous défendre à notre souvenir d’évoquer ccs musiques de Beethoven, qui sont remplies d’oiseaux, ainsi qu’un jour de mai, ces rythmes incessants de marches militaires, ces lourdes chevauchées, ces bolides ’qui passent dans VAppassionata, cet Océan qui déferle, ces peu- 1. Dr Marajre : Fonctionnement de l’oreilie à l état paihoiogijue. (Voir note, fin du chapitre, page 313.)

2. Et ceci prêterait quelque vraisemblance au récit du chanteur Lablache, qui prétendait que Beethoven, mourant, lui avait dit ce mot saisissant : « Entendez-vous la cloche ? Changement de décor1 » (« Hôrt Ihr die Glocke ? Die Décoration wechselt ») (Allusion aux théâtres de Vienne, où la cloche donnait le signal des changements de scène). Voir Lenz : Beethoven, eine Iiunslstudie, I, lbt>5, p. /S. < n a nié, jusqu’à présent, que la surdité de Beethoven lui permit d entendre de3 cloches. Mais précisément, ces cloches sonnaient eu lui !