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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

point, car elle est seule avec Dieu. Elle ne se pardonne rien. Elle ne se laisse rien passer 1.

Et cette lucidité du regard, qui pénètre sans faiblesse dans les replis de sa pensée, se trouve unie chez elle avec une flamme intérieure, une imagination déréglée 2, qui semble contradictoire avec ce besoin absolu de vérité, C’est parce qu’elle en connaît les faiblesses, les dangers, que, seule avec elle-même, elle s’acharne à les poursuivre et à les dénoncer. Mais elle a beau être avertie, sans cesse elle retombe ; et ces chutes qui l’atterrent, ces combats, ces révoltes, donnent à la vie intérieure de cette jeune fille, mea culpa. Thérèse ne manque pas à ce devoir de loyale et lucide humilité Et quand, après le déroulement des voiles de la Semaine Sainte, après l’endormement ensoleillé de la Semaine de Pâques, reviennent les jours ordinaires et leur monotonie, accrue pour Thérèse par la solitude de Pise, terre auguste de la mort, et par l’abandon des siens, elle prend la piume (12 avril, mercredi anniversaire) et elle ouvre la porte à sa Confession d’un demi-siècle.

(a) Un an après, le 28 (29) mars 1810, elle écrit : — « Un an est accompli avec ce jour, dans lequel la grâce de l’Elernel me plaça dans une situation, où me fut accordé un regard profond dans l’intérieur de moi-même et de la oie morale. De cette époque, date une complète réforme de ma façon de penser et de mon être. Je commençai à pénétrer ce que je suis et ce que je devais être. Et je commençai la grande réforme... » On ne peut être plus cruelle pour une femme, que Thérèse ne l’est souvent pour elle-même. Elle se soufflette de jugements outrageants.

2. « Dieser ungezugelten Phantasie » (celle fantaisie débridée), écrit-elle de soi. — « So bin ich ein 1 maginationsmensch — dieser müssten Schranken geselzl werden ». ( « Je suis un être d’imagination. Il faut y mettre des bornes ! ») (1809).