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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

e — Maintenant, tout m’est indifférent ; je n ai plus qu un désir : me venger sur les Français ! Tuer celui qui a tué mon bien-aimé !... »

Il se peut que cette passion se trompe dans son objet, qu’elle soit illusoire, comme ses sœurs le redoutent x, et comme elle sera la première plus tard à le reconnaître et à s’en accuser ; — mais n’est-ce pas le propre de la passion, cette ivresse des sens et de l’imagination, ce vertige embrumé qui ne permet plus de distinguer les autres ni soi-même !...

— Que ne puis-je publier certains extraits du Journal de 1810 qui m’ont été confiés, où Thérèse, épouvantée, se retrouve au bord d’abîmes moraux, vers lesquels une bourrasque de passion, foudroyante, inattendue, l’a jetée, et découvre les forces sauvages, les coupables pensées qui viennent de passer en son subconscient ! 1 2... Cette frêle 1. Lettre de Charlotte à Thérèse, 18 février 1805 î « — Oh I ne t’abandonne pas à quelque illusion, sur l’amour, et cherche à t’éveiller de cette léthargie, avant qu’il soit trop tard !... » — Charlotte sait bien que sa k Tesi s’est souvent illusionnée... » Elle connaît son « imagination surexcitée... »

2. — Ailleurs : « Souvent, je sens en moi une secousse violente, je me trouve dans un abîme, sans savoir comment j’y suis arrivée... » « 11 me semble que tout est fini pour moi, que tout est en ruines. O Dieu ! sauve-moi... »

Il est bien souvent, dans le Journal, question du combat contro sa « Sinnlichkeit » :

« Mein Kampf soll gegen meine Sinnlichkeit sein... » (1809). « lch bin der Sinnlichkeit gefangen gegeben. Sie ist es, die mich beherrscht. .. » (1810).

Et de quelque façon qu’on s’efforce parfois de diminuer la portée do cet aveu, il reste qu on la sent constamment près d’être emportée.