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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Mais tous les ordres de passions et d’amours sont réunis en ces premières années du siècle, où la maladie va l’emmurer. Pas un jour qu’il ne soit entouré, dans les salons de Vienne, d’un essaim de jolies filles, dont beaucoup sont ses élèves — (ces élèves-là il ne les refuse jamais !) — et qui toutes lui font la cour… Insistons sur ce fait qui, à première vue, étonne ! Il est l’homme à la mode ; c’est lui qui écrit pour Vigano et la Casentini le nouveau ballet, qu’on donne au théâtre de cour impérial et royal : Die Geschöpje des Prometheus (les Créations de Prométhée), 26 mars 1801.

De tout temps, le virtuose, l’artiste qui s’exhibe en scène, a attiré les femmes. Ajoutons que Beethoven a toujours exercé une fascination sur elles[1]. Si laid et si vulgaire qu’il paraisse au premier regard, quelque désagréable que soit le premier abord, à peine commence-t-il à parler, à sourire, qu’elles sont toutes — frivoles et sérieuses, romanesques et moqueuses — toutes sont subjuguées. Elles s’aperçoivent alors qu’il a une bouche élégante[2], des dents éblouissantes[3],

1. Stephan von Brcuning, le confident de Beethoven, l’ami de toute la vie, disait à sa femme, qui ne comprenait pas que Beethoven pût plaire : — « Et pourtant, il a toujours eu du bonheur auprès des femmes ! » (Gerhard v. Breuning : Aus dem Schwarzspanierhause, 1874.)

2. « Zierlich » (Müller, 1820). « Sa bouche de douceur, au noble dessin. » (Benedikt, 1823). — C’était aussi un des secrets du charme d’un Mirabeau, que je lui comparais tout à l’heure î l’attrait de cette bouche, dans la face tourmentée.

3. « Schneeweissen » (Schlôsser, 1822). Ou remarquera que ces appréciations datent des dernicies années, passé la cinquantaine, où la constitution de Beethoven était pourtant ruinée et son aspect négligé.

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