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BEETHOVEN

qu’un moyen de transition dialectique entre l’exposition du discours et sa conclusion ; et ils y faisaient montre, mais avec discrétion (car l’époque était polie) de leur savoir dans l’art du beau débat thématique. Chez Mozart, la Durchführung ne dépasse jamais en longueur les deux tiers de la première partie ; et souvent, elle se limite à un tiers[1]. Beethoven, jusqu’alors, avait suivi cet exemple. Soudaint avec Y Héroïque, il brise les traditions. Et sa Durchführung s’étale sur une longueur qui dépasse, des deux tiers, la première partie : 250 mesures, contre 147[2].

Le résultat devrait être une disproportion. L’exposition principale des thèmes, l’essentiel du discours, devraient être noyés dans le « développement » oratoire (si ce mot de a développement » pouvait s’appliquer ici). — Or, il n’en eol rien. Et, depuis plus d’un siècle, l’effet de la symphonie, son emprise sur les millions d’hommes qui se sont succédé sur les rives de ce fleuve sonore, tient à cette prodigieuse Durchführung. L’admiration étonnée de la critique n’a cessé de se heurter à ce phénomène. C’est qu’on se trouve en face d’un des problèmes de construction les plus grandioses, qui aient été posés et résolus victorieusement en

1. Il semble que chez Haydn, elle soit quelquefois égale, et même qu’uue fois, elle ait été un peu plus longue.

2. Si, par la suite, presque toutes ses symphonies donnent à la Durch/ührung une ampleur égale à la première partie, aucune n’atteint plus à ces proportions gigantesques. Voici les chiffres relevés par Alfred Lorenz, pour les proportions de la première partie à la Durchführung des symphonies IV à IX : IV : 154 à 152 ; V : 124 à 123 ; VI : 188 à 140 ; ’vil : 114 à 97 ; VIII : 103 à 86 ; IX : 150 à 141.

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