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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

son haut col et sa cravate. Mais de la figure se dégage une puissance calme, qui en impose. C’est un lendemain de bataille. Le souci recule, on l’aperçoit encore, à l’arrièreplan ; une ombre de tristesse flotte encore dans le regard ; mais la volonté et la raison ont pris possession du champ de combat ; et l’impression qui domine est d’une sérénité réfléchie : l’homme est maître.

Il est curieux que le crayon de Kloeber ait retenu cette harmonie, quand ses notes écrites ont au contraire saisi au vol, la mobilité « des yeux bleu-gris, extrêmement vivants », de « la chevelure Ossianesque », du « Dämonisch » de son visage, où chaque « Stimmung » s’imprime fortement dans tous les traits, de l’impatience et de l’« Unruhig » de son être, qui ne lui permet pas de rester assis longtemps. Kloeber l’a vu, non seulement dans sa chambre, écoutant jouer son neveu[1], mais en promenade, dans les champs, et habité par l’inspiration[2]. Qu’en reste-t-il, dans son dessin ? — Tout ce que Beethoven paraît avoir trouvé à lui dire,

  1. À noter que, bien que le piano fût à quatre ou cinq pas derrière lui, Beethoven saisissait et corrigeait chaque faute du neveu… Très important ! il pouvait donc juger des sonorités de la sonate op. 106.

    Au reste, il dit à Kloeber qu’ « il va assidûment à l’Opéra, mais tout en haut, parce qu’on y entend mieux les ensembles. » — Ne pensons donc pas qu’il soit muré, en cette année, par une surdité complète !

  2. Beethoven se promène avec Kloeber, son cahier et son crayon à la main. » Souvent, il s’arrête, comme écoutant, il regarde en haut, en bas, puis il écrit… Une fois, il grimpe sur un talus, son grand chapeau gris sous le bras, il se jette par terre sous un pin, et il regarde le ciel, longuement… » — Combien ces notes vivent plus que le portrait !