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Page:Rosny aîné - Au château des loups rouges, 1929.djvu/41

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Quant à Denise, elle était l’âme de toute vie, de toute tendresse et de toute beauté. Dans le destin un peu perdu de Morneuse, où l’amour avait passé en rafale, où aucun des souhaits de l’adolescence ne s’était réalisé, Denise se substituait à tous les possibles, à toutes les circonstances et à toutes les passions vainement attendues.

À mesure que sa propre vie se révélait vide, il s’incarnait en Denise. Peu à peu, rien ne valait plus que par la claire créature. Elle était son centre de rêves, son pays de chimères : il ne souhaitait plus que de l’avoir éternellement auprès de lui — et sa terreur était grande, les soirs où il se mettait à songer qu’un homme viendrait un jour la saisir.

La journée était lumineuse et belle, l’automobile dévorait allègrement les routes. Il n’y avait pas quarante minutes qu’elle était sortie de l’hôtellerie du Grand Saint-Éloi et déjà elle dépassait le village de Quénay, ayant parcouru vingt-six kilomètres :