Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
MIRABEAU.

Un pied tordu, la tête démesurée ; deux dents toutes poussées quand il vint au monde ; avec cela l’air atroce, la langue embrouillée dans le filet ; et, à trois ans, une maladie qui lui laboure le visage en y creusant des cicatrices ineffaçables. « Ton neveu est laid comme celui de Satan », écrit à son frère le marquis de Mirabeau, consterné de son étonnante progéniture. C’était en effet une dérogeance humiliante à la beauté héréditaire de la race. Et, pour comble de déplaisir, ce gros garçon mal venu rappelait au gendre de M. de Vassan les traits d’un beau-père détesté ; « c’était la pourtraicture achevée de son odieux grand-père ».

À mesure que l’enfant grandit, son père l’observe sans tendresse, sans aversion, avec la curiosité maussade d’un naturaliste étudiant un « monstre » dont la classification lui échappe.

Les jugements qu’il porte sur lui varient chaque jour et ne se ressemblent que par leur choquante exagération. À peine a-t-il cinq ans, ce « neveu de Satan » est devenu « un espiègle fort questionneur et fort agissant ; on parle de son savoir dans tout Paris…. Il promet un fort joli sujet. »

Puis, quelque temps après : « Je dois renoncer à ce que cet individu-là ait jamais le caractère de notre race…. L’aîné de mes garçons vendra son nom ; il pourrait fort bien s’appeler un enfant mal-né. Il me paraît ne devoir être qu’un fol invinciblement maniaque,… en sus de toutes les qualités viles de son antique ressemblance…. Je vois maintenant le natu-