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Page:Roussy - Le cancer fleau social 1921.djvu/11

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maux à sang chaud, mais on sait maintenant qu’on peut le trouver aussi chez les animaux à sang froid, les reptiles et surtout les poissons. Les saumons et les truites sont, en effet, très souvent porteurs de tumeurs malignes. En 1903 et 1904 apparut subitement, en Amérique, une épidémie de tumeurs chez les truites, épidémie qui fit d’importants ravages dans les grands lacs d’Amérique du Nord. Les éleveurs jetèrent, en peu de temps, sur le marché une quantité énorme de poissons avariés dont on fit des conserves. Le gouvernement américain s’émut de l’importance économique que pouvait avoir cette épizootie. Une commission d’hygiène fut chargée de faire une enquête ; les journaux s’emparèrent de ces faits et parvinrent, comme de juste, à effrayer le public peu satisfait d’avoir mangé du cancer frais ou en conserves ! Une campagne de presse s’ensuivit, et il fallut le concours de savants et de nombreuses conférences publiques pour calmer l’opinion.

Enfin, depuis quelques années, on sait que les plantes peuvent avoir des tumeurs, dont certaines variétés offrent de très grandes analogies avec les cancers de la série animale. On a parlé, en effet, du cancer des arbres, de la pomme de terre, de la betterave.

J’arrive maintenant à le deuxième partie de ma conférence, à la Question sociale du cancer.

Le cancer doit être aujourd’hui, et à juste titre, considéré comme l’un des quatre grands fléaux qui frappent l’humanité ; il vient se ranger à côté de la tuberculose, de la syphilis, de l’alcoolisme. Il existe donc un réel « péril cancéreux » que quelques chiffres mettront bien en évidence.

Dans les statistiques de mortalité, on compte par an environ 500.000 morts par le cancer dans le monde, dont 32.000 en France, soit 4,5 p. 100 de la mortalité générale. D’après les statistiques récentes, il semble que la maladie soit nettement en progression.

En France, on compte, sur 10.000 habitants, 9,08 cas de cancer par an. À Paris, 11 ; à Lyon, 14 ; à Bordeaux, 10 ; à Londres, 6 ; à New-York, 6 ; à Philadelphie, 5 ; à Berlin, 5 ; à Buenos-Ayres, 7, etc…

D’autres chiffres nous montreront nettement l’augmentation lente mais progressive du cancer, puisque de 1876 à 1880, en France, sur 100.000 habitants, il y avait 94 décès par cancer ; de 1881 à 1885, 95 ; de 1886 à 1890, 97 ; de 1896 à 1900, 105 ; de 1901 à 1910, 109, et en 1910, 113. Les statistiques données par nos traités classiques s’arrêtent à ce moment.

À Paris, enfin, on relève 3.169 cas de mort par cancer avant 1914 ; 3.342 en 1915 ; 3.535 en 1916 ; 3.396 en 1917 et enfin 3.426 en 1918. Les mêmes proportions d’augmentation se retrouvent dans les statistiques américaines, anglaises et allemandes.


Voyons maintenant dans quelles conditions apparaît le cancer ? Une première notion très importante est à relever, celle de l’âge. Vous savez, et nous savons tous, que le cancer augmente progressivement de fréquence, au fur et à mesure qu’on vieillit. Rare avant 30 ans, il est assez fréquent entre 30 et 50 ans, pour le devenir davantage après 50.

En raison de son siège fréquent au niveau des organes génitaux, le cancer se voit plus souvent chez la femme que chez l’homme. Cepen-