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Page:Roussy - Le cancer fleau social 1921.djvu/12

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dant, le perfectionnement de nos méthodes de diagnostic semble devoir atténuer sensiblement cette différence en faveur de la femme, en nous révélant la grande fréquence des cancers du tube digestif chez l’homme.

Le climat a passé longtemps pour jouer un rôle dans l’éclosion de la maladie. On a dit que le cancer était plus fréquent dans les régions tempérées de l’Europe que dans les régions tropicales ou septentrionales. Or, il résulte de statistiques récentes, faite notamment à l’« Imperial Cancer Research Fund », à Londres, que le cancer est loin d’être rare chez les nègres, ainsi que chez les habitants de l’Islande ou du Groënland. Cependant les statistiques américaines les plus récentes montrent qu’aux États-Unis le cancer est plus fréquent chez les blancs que chez les noirs, et qu’il est exceptionnel chez les Indiens.

Enfin, rappelons que le cancer se voit plus rarement dans les campagnes que dans les villes, et que, là, il frappe surtout les quartiers pauvres. Ceci nous montre l’influence de l’hygiène défectueuse, des taudis, de l’alcoolisme et de toutes les causes de misère physiologique.

L’alimentation a été aussi incriminée ; le cancer, disait-on, est plus fréquent chez les carnivores que chez les végétariens. Mais cette opinion se trouve aujourd’hui contredite pas les observations faites chez les animaux. On sait, en effet, combien le cancer est fréquent chez les bovidés.

D’autres points sont intéressants à relever dans le question de l’étiologie du cancer, c’est-à-dire de ses causes, par exemple celle des maisons à cancer. Dans certaines villes et certains villages, on a signalé des « maisons à cancer » et même des « rues à cancer » dont certains foyers connus, comme ceux de Normandie et de l’Italie ont été minutieusement étudiés. D’ailleurs, cette notion des maisons à cancer, comme tout ce qui touche au mystérieux, s’est bien vite et solidement enracinée dans le public. Jusque, il y a peu de temps encore, à Paris, les statistiques municipales signalaient des maisons où les tumeurs malignes seraient plus fréquentes.

Or, d’après les enquêtes les plus minutieuses, poursuivies tant en France qu’en Angleterre, cette notion ne résiste pas à une critique sévère. C’est en Angleterre qu’elle prit naissance, sous l’instigation d’un brave médecin de campagne, le docteur Webb, qui, pour la première fois, en 1892, signala la fréquence, dans certaines régions de l’Angleterre, de maisons où le cancer était particulièrement fréquent. En serrant les faits de plus près, on vit que, dans l’immense majorité des faits, il s’agissant de gens très âgés, de vieux paysans qui, arrivant à un âge avancé, offraient par cela même un terrain favorable à le maladie. Souvent aussi ces soi-disant maisons à cancer étaient des presbytères où vivaient de très vieux clergymen.

À l’heure actuelle — et malgré tout le charme qu’offre pour vous, Mesdames, le « mystérieux » — il faut abandonner ces notions de maisons à cancer ou des cages à cancer qui ne sont que des mythes se transmettant de bouche en bouche, mais qui ne résistent pas à un contrôle méthodiquement conduit. Ne contribuons donc pas à perpétuer des erreurs qui viennent ensuite encombrer l’esprit de ceux qui cherchent, au risque de retarder la découverte de la vérité.

Nous savons par contre, de façon précise maintenant, que certaines professions payent en large tribu au cancer. Les ramoneurs font souvent des cancers de la peau, si bien qu’on a parlé du cancer des ramoneurs ; il en est de même des paraffineurs, des goudronneurs, des ouvriers manipulant l’arsenic.