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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/768

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sions usitées dans différentes Provinces pour désigner une espèce de boisson, faite avec de l’eau jetée sur le marc du raisin, & qui fermente avec lui pendant quelque temps. Pourroit-on se persuader que c’est la seule & unique boisson spiritueuse dont s’abreuve plus de la moitié franche des vignerons & des valets de métairies pendant tout le cours de l’année ! Cependant rien n’est plus certain ; & ; si cette classe si nombreuse boit quelquefois du vin de la vigne qu’il cultive, c’est le dimanche dans le cabaret, ou par une générosité extrêmement rare du propriétaire. Si ce cultivateur est propriétaire, il destine sa récolte au paiement des impôts & à subvenir aux frais de la chétive nourriture de sa famille & à son modique entretien. De toutes les productions du royaume aucune n’est aussi chargée de droits, de taxes, de sujétions que le vin, & tous ces droits sont toujours au détriment du cultivateur. Les droits d’entrée d’un muid de vin de Languedoc, dans l’intérieur de Paris, se montent à un prix aussi haut que l’achat de sept muids dans le pays. Ce rehaussement prodigieux sur le prix primitif, rend la denrée dans la main d’un cultivateur d’une valeur si médiocre, que, malgré le travail le plus assidu, il végète dans la misère. Outre les droits accumulés sous toutes les dénominations possibles, les pays de vignobles sont infiniment plus chargés d’impôts que les autres ; cependant, depuis la libre exportation des grains, le prix de toutes les denrées, tous les objers de consommation ont tiercé & le vin n’a pas augmenté de valeur. Il n’est donc pas étonnant que les propriétaires de vignobles réduisent leurs malheureux valets à ne boire que de la piquette, & que plusieurs d’entre les maîtres y soyent eux-mêmes réduits.

Après que la vendange fermentée a rendu, sur le pressoir, la quantité de vin qu’elle contient, les valets prennent le marc, l’émiettent, rejettent dans la cuve & ils y ajoutent une quantité d’eau proportionnée à celle du marc. C’est-à-dire que si le vin d’une cuvée a rempli quinze à vingt barriques, le marc peut en fournir deux ou trois de petit vin. Lorsque le marc, pris pour exemple, est placé dans la cuve & bien émietté, on l’arrose le premier jour avec environ cent pintes d’eau, il s’établit une petite fermentation. Le lendemain, on ajoute la même quantité d’eau & ainsi pendant plusieurs jours de suite, enfin, jusqu’à ce que l’on ait à peu près la quantité de petit vin que l’on désire. Si dès le premier jour on mettoit toute la quantité d’eau, il n’y auroit point de fermentation vineuse, (consultez ce mot) elle passeroit tout de suite à la putride, attendu que le reste du principe spiritueux & mucilagineux se trouveroit noyé dans une trop grande masse de véhicule aqueux. Il est donc nécessaire que l’eau s’imprègne peu à peu des principes susceptibles de la fermentation vineuse.

Après huit à dix ou douze jours au plus de cuvage, on tire la piquette de la cuve & on la vide dans des barriques. Elle y bouillonne, elle y écume pendant quelques jours comme le vin, plus ou moins, suivant le climat, l’année, la qualité du vin. L’écume n’est pas autant colorée que celle du vin, elle n’est presque pas visqueuse ni colorée ; dès qu’elle diminue & s’arrête, on bouche rigou>