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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/538

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gris, en exposant l’un et l’autre sur un feu doux, et les remuant sans discontinuer.

La conservation du raisiné dépend absolument de la manière avec laquelle ou le prépare, et des matières qui entrent dans sa composition : cette confiture est de bonne qualité, quand elle est douce, moelleuse, légèrement astringente au goût, ayant la consistance d’un miel grenu ; elle est moins agréable lorsqu’elle est trop cuite, que sa surface se recouvre d’une croûte grisâtre qui n’est autre chose que du vrai sucre entremêlé de tartre cristallisé. Les vignerons qui, dans cette préparation, ne prennent pas beaucoup de soins, n’oublient jamais, malgré le choix des ingrédiens, qu’un raisiné médiocre est souvent d’un goût de caramel.

Toutes les préparations de raisiné peuvent se réduire à quatre principales, dont les résultats diffèrent par la couleur, la consistance, la qualité et le prix. Les noms de rob, sapa, passum defructum, sont consacrés à désigner, dans les pharmacopées, le produit plus ou moins concentré du raisin non fermenté, mais parvenu au plus haut point de maturité.

Dans le premier procédé, c’est le résultat de tout ce que contient d’extractif le raisin, c’est-à-dire, le fruit séparé des pépins et de la peau réduite à l’état de parchemin.

Le raisiné du second procédé présente l’extrait de raisin combiné avec la matière parenchymateuse des fruits qu’on fait entrer dans sa composition.

Celui du troisième procédé est le suc exprimé du raisin, c’est-à-dire le moût sans avoir cuvé, rapproché plus ou moins, par l’évaporation de l’humidité, jusqu’à la consistance gélatineuse.

Le quatrième et dernier procédé n’est autre chose que la matière extractive de tous les principes qui constituent le raisin, réunie à celle du moût qu’on ajoute à la première liqueur.

Confitures préparées également sans le secours du sucre. Le raisiné est tellement nécessaire, que, dans les endroits les plus éloignés des vignobles, leurs habitans en font, ou du moins une confiture économique analogue, avec les fruits à pépins, en y employant pour véhicule, au lieu de moût, le suc de pommes ou de poires récemment exprimé, c’est-à-dire le poiré et le cidre doux.

Dans la ci-devant Bretagne, on prépare une marmelade de cerises. Les habitans des environs de Rennes sur-tout viennent la vendre au marché de cette ville, et quoiqu’elle ne soit ni fort sucrée, ni fort agréable, cependant elle trouve des amateurs et du débit.

On cuit ailleurs le moût des pommes ou cidre doux avec différens fruits ; ce moût réduit, dans le premier cas, à la dixième partie de son volume, forme un rob ou sirop très-bon : mêlé et uni, dans le second cas, avec des poires ou d’autres fruits, il donne ce qu’on appelle le raisiné de Normandie.

Le suc des poires, dont on fait, dans les deux ci-devant provinces qui viennent d’être nommées, le poiré, cette espèce de boisson vineuse, qui, comme on sait, est susceptible de mousser, à l’instar du vin de Champagne, quoique plus doux que le suc de pommes, ne fournit cependant qu’une confiture acerbe qu’on rendroit vraisemblablement meilleure si on la faisoit avec la pulpe rapprochée des poires cuites au four.

Nous avons parlé du raisiné au cidre ; dans la ci-devant Picardie, on fait du poiré au cidre : on remplit un chaudron de cidre doux dont on soustrait, par l’évaporation, les trois quarts du volume ; arrivé à la consistance de sirop, on y jette des poires pelées, mondées de leur cœur et des pépins, et coupées en quatre ; elles y cuisent parfaitement sans se déformer : on poursuit doucement la cuisson jusqu’à ce que le sirop qui, par l’addition des poires crues, s’est prodigieusement décuit, ait repris sa consistance première. Une fois le vase retiré du feu et les poires suffisamment cuites, elles sont distribuées dans des cruches de grès, et le sirop est dans une proportion correspondante aux poires.

Le raisiné improprement dit, fait avec des fruits cuits dans du cidre doux, ne mérite pas moins d’intérêt que celui qui porte ce nom, en ce qu’il emploie beaucoup de bras dans une saison presque morte, et qu’il se fait après les semailles et les vendanges.

Il vient d’être question du raisiné au cidre, maintenant parlons du raisiné au poiré ; il est connu à Amiens et dans ses environs. Pour le préparer, on prend de la poire de fusée, poire longue, qu’on ne peut manger qu’après l’avoir fait cuire ; on la met dans des pots de terre couverts et au four, après en avoir retiré le pain ; ils y séjournent pendant la nuit, on les pétrit pour les diviser en bouillie, on les passe à travers un tamis de crin, et cette pulpe est mise dans un chaudron avec six fois son poids de cidre doux : on procède à l’évaporation, en remuant sans discontinuer, jusqu’à ce qu’une goutte de cette confiture, jetée sur un papier gris, la place n’en sépare pas de suite l’humidité. En cet état, elle est réputée