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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/573

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faciliter l’écoulement des eaux pluviales, ou les boucher, afin d’empêcher l’intromission des eaux saumâtres qui détériorent la qualité du sol.

Les industrieux cultivateurs de San-Lucar ne se bornent pas à tirer plusieurs récoltes d’un terrain qu’ils ont su rendre si productif ; ils ont trouvé le moyen de mettre à profit les monceaux de sable qui existoient naturellement, ou qu’ils ont formés en déblayant le sol. Ils ont choisi de préférence, pour garnir ces monticules arides, les arbres dont les racines pivotent le plus profondément : tels sont la vigne, le figuier, etc. Les racines de ces deux arbres pénètrent jusqu’à la couche d’eau sans en être endommagées ; le vin qu’on récolte est spiritueux et d’une très-bonne qualité, il a une couleur jaune foncé. Les fruits sont en général très-savoureux ; les figues de San-Lucar passent pour les meilleures de l’Espagne.

Les produits que les cultivateurs retirent des navazos suffisent non pour leur procurer du superflu, mais pour les mettre à même de vivre eux et leur famille dans une honnête aisance. Ils vendent une douzaine de citrouilles de dix à douze francs, un cent de melons vingt-cinq francs ; les melons d’eau ont un peu plus de valeur.

Une aranzade de terre produit quelquefois pour la valeur de deux cents francs, en melons d’eau. La culture de cette plante, et celle de la citrouille, sont les plus lucratives. La même mesure de terre donne communément un produit brut de quinze cents francs, ce qui fait sept cent cinquante mille francs, en portant à cinq cents aranzades la quantité de terrain employée en navazos dans les environs de San-Lucar de Barameda. Les cultivateurs font des pertes considérables, en temps de guerre, par la difficulté qu’ils trouvent à faire passer leurs denrées à Cadix, cette ville étant leur marché principal. Ils laissent alors pourrir sur place les citrouilles, les melons, etc., lorsqu’ils n’ont point de cochons pour les consommer.

Si les récoltes des navazos, et le montant de la vente qui en provient sont considérablés, les frais d’exploitation demandent aussi de grandes avances.

Le particulier qui prend un terrain dans le dessein de le mettre en culture, paie au concessionnaire une redevance annuelle de trois francs par aranzade. On fait entrer dans ce compte le terrain productif, ainsi que celui qui ne l’est pas, comme les digues et quelques monceaux de sable. Cette redevance représente un capital de 100 francs, puisque l’on peut se rédimer en payant cette somme pour chaque aranzade que l’on tient à cens.

La dime se paie en fruits, à raison d’un sur douze, ou en argent, à raison d’un sur quinze. Lorsqu’on paie en numéraire, il suffit de faire une déclaration du montant de la vente de ses denrées.

Un navazo de trois aranzades demande quatre-vingt-dix journées d’ouvriers pour le principal labour ; dix-sept, pour rétablir les fossés ; trente journées, pour le binage ; douze journées, pour le plantage des tomates, des choux, etc. ; trente-deux, pour la culture des pépinières, ce qui fait en tout cent quatre-vingt-une journées, qui sont payées à raison d’un franc cinquante centimes, les ouvriers travaillant neuf heures par jour en hiver, et huit en été. On ne comprend pas dans ce calcul le travail du jardinier en chef, et celui de deux enfans qui sont principalement occupés à charrier du fumier. La nourriture des deux ânes nécessaire à ce transport, se prend sur les produits du navazo, et se trouve compensée par le produit du fumier, à raison de soixante-quinze centimes la charge.

On enlève communément, sur la surface d’un terrain qu’on veut mettre en état de culture, seize à dix-sept décimètres de sable en profondeur. Ce travail est évalué à trois mille cinq cents francs par aranzade.

Le fonds d’une aranzade de navazos, en culture, qui est évalué cinq mille francs, s’afferme deux cent soixante francs, ce qui fait un peu plus de cinq pour cent.

Le genre de culture dont je viens de donner la description, a certainement été apporté en Espagne par les Arabes, ainsi que me portent à le croire certaines observations que j’ai faites sur les lieux. Cette opinion