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Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/20

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XX
PRÉFACE.

cetés qu’il débite contre les prélats, les clercs, les moines, les béguines, les ribaux, les écoliers, les princes, les chevaliers, etc., ses nombreuses allusions aux usages intimes du 13e siècle, nous rendent les pièces qu’il nous a laissées extrêmement précieuses.

Si nous cherchons à nous rendre compte du caractère général et particulier de la poésie de Rutebeuf, nous trouverons qu’elle se fait surtout remarquer par la causticité, la malice et l’ironie. Le vieux trouvère fouaille à droite et à gauche sans s’inquiéter de savoir qui sa lanière cinglera ; il mord à plaisir tout le monde, et quelquefois jusqu’au sang ; il crie, il tempête, il invective, il dénonce tous les abus ; mais le fait prédominant de ses rimes, le fait qui revient sans cesse dans ses virulentes strophes, c’est son amour pour les croisades et sa haine contre le clergé. L’admission des membres de ce dernier dans l’Université malgré elle, et la partialité du pape et du roi en faveur des ordres religieux, durent en effet soulever contre le pouvoir ecclésiastique d’immenses clameurs. Remarquons pourtant que Rutebeuf n’attaque jamais ni le dogme ni le Dieu, mais le prêtre. Au 13e siècle on avait une foi ardente ; la pensée réformatrice qui jeta sur le 16e siècle de si terribles lueurs n’existait pas encore. Aussi l’usage que les ecclésiastiques faisaient de leurs richesses et de leur influence était seul critiqué ; mais on respectait l’origine de leur