Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la droite du chemin, au milieu duquel serpentait un ruisseau lympide, lui parut propre à la rafraîchir ; désaltérée de cette eau fraîche, nourrie d’un peu de pain, le dos appuyé contre un arbre, elle laissait circuler dans ses veines un air pur et serein qui la délassait… qui calmait ses sens ; là, réfléchissant à cette fatalité presque sans exemple, qui, malgré les épines dont elle était entourée dans la carrière de la vertu, la ramenait toujours, quoiqu’il en put être, au culte de cette divinité et à des actes d’amour et de résignation envers l’Être-Suprême, dont elle est l’image, une sorte d’enthousiasme s’empare tout-à-coup de son ame ; hélas ! se dit-elle, il ne m’abandonne pas ce Dieu bon que j’adore, puisque je viens, même dans cet instant, de réparer mes forces ! N’est-ce pas à lui que je dois cette faveur, et n’y a-t-il pas sur la terre des êtres à qui elle est refusée ? Je ne suis donc pas tout-à-fait malheureuse, puisqu’il en est encore de plus à plaindre que moi… Ah ! ne le suis-je pas bien moins que les infortunées que je laisse dans ce repaire du vice, dont la bonté de Dieu m’a fait sortir comme par une espèce de miracle ?… Et pleine de reconnaissance elle s’était jetée à genoux pour rendre graces à l’Être-