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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/153

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Suprême, Lorsqu’elle s’apperçut que son action attirait sur elle les regards d’une grande et belle femme, assez bien mise, qui faisait la même route qu’elle. Mon enfant, lui dit cette femme avec affectation, vous me paraissez bien profondément occupée. Il est facile de lire sur votre physionomie que quelque violent chagrin vous opprime… Et moi aussi, ma chère petite, je suis malheureuse ! daignez me confier vos douleurs, je vous ferai part des miennes, nous nous consolerons ensemble, et peut-être naîtra-t-il de cette confiance mutuelle ce sentiment si doux de l’amitié, au moyen duquel les êtres les plus infortunés apprennent à supporter leurs maux, en les partageant en frères. Vous êtes jeune et jolie, ma chère enfant, en voilà beaucoup plus qu’il ne faut pour rencontrer bien des épines dans la carrière de la vie ; les hommes sont si méchans, il n’est besoin que d’avoir ce qui peut les intéresser, pour exciter plus puissamment par cela seul, toute leur perfidie contre nous.

L’ame des malheureux s’ouvre facilement aux consolations présentées. Justine regarde celle qui l’interroge ; lui trouvant une fort belle figure, trente-six ans au plus, de l’esprit, un maintien honnête, elle lui prend la main,