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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/157

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appercevant, à ces mots, un crucifix, se jette avec componction aux pieds de l’idole : « Dieu des Chrétiens, s’écrie-t-elle en larmes, que de remercîmens je te dois d’une telle rencontre, conserves-moi long-tems cette amie, et récompenses-la de son zèle » !

On sort de table ; madame d’Esterval paie amplement toute la dépense, et voilà nos deux femmes en marche.

Il y avait de l’hôtellerie d’où l’on partait, à celle de d’Esterval, environ quinze lieues, dont six devaient se faire dans le plus épais de la forêt. Rien de paisible comme cette marche, rien d’intéressant, de tendre, de vertueux comme tout ce qui fut dit en la faisant ; rien d’agréable comme tous les projets qui s’y concertèrent. On arrive à la fin.

En parlant de la situation de l’auberge que tenait d’Esterval, sa chère épouse n’avait fait que l’esquisser. Il n’était pas possible de voir une retraite plus sauvage. Absolument enfoncée dans le creux d’un ravin hérissé de hautes-futaies, on ne se doutait de l’existence de cette maison, qu’au moment où l’on y entrait. Deux dogues monstrueux en gardaient la porte ; et ce fut d’Esterval lui-même, à la tête de deux grosses servantes, qui vint re-