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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/165

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qu’après l’avoir quittée pour vaquer aux soins de sa maison, d’Esterval l’eut un instant abandonnée à toute l’horreur de ses réflexions.

« Oh grand Dieu ! s’écria-t-elle, je croyais que la scélératesse avait épuisé sur moi toutes ses recherches, et qu’après tout ce que mon sort m’a fait éprouver dans ce genre, il ne pouvait rien lui rester de neuf à me faire sentir… je me trompais… voici des raffinemens sans exemples, voilà des détours de cruauté qui, je le parierais, doivent être inconnus dans le sein même des enfers : cet homme exécrable a raison, en me sauvant tout de suite pour le faire prendre, je n’y réussirais sûrement pas dès le premier jour, et dès ce soir, peut-être, je puis arracher à la mort les deux voyageurs qui viennent d’arriver. — Mais, poursuivit-elle, si dans un an ou deux je vois qu’il me devienne impossible de jamais sauver les victimes, ne ferai-je pas bien mieux alors d’aller dénoncer ce coquin ?… Ah ! jamais jamais, il l’a dit, il s’échappera si-tôt qu’il me verra libre… massacrera, en s’évadant, tout ce qui pour-lors se trouvera d’étranger chez lui, et ce seraient peut-être ceux-là dont j’aurais pu sauver le jour… Le monstre… il a bien raison, c’est par l’opinion qu’il m’en-