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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/166

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chaîne ; je serais bientôt éloignée, si je n’avais autant de sagesse, et c’est à force de vertus que je vais devenir criminelle. Être-Suprême, devrais-tu donc permettre que le bien dût engendrer autant de mal ? est-il de ta justice de souffrir que la vertu conduise aux malheurs ? Quel découragement l’histoire de ma vie va porter dans toutes les ames, si jamais elle est publiée ! O vous qui pourriez la savoir un jour, ne la divulguez point, je vous en supplie, vous porteriez le désespoir dans le cœur de tous ceux qui chérissent le bien, et vous inviteriez nécessairement au crime, en offrant ainsi ses triomphes ».

Justine pleurait à chaudes larmes, en se livrant à ces douloureuses pensées, lorsque madame d’Esterval vint tout-à-coup les interrompre. — Oh ! madame, lui dit-elle en l’apperçevant, à quel point vous m’avez trompée ! Cher ange, lui répondit cette mégère en cherchant à la caresser, il le fallait bien pour t’avoir. Mais, consoles-toi, Justine, tu t’accoutumeras facilement à tout ; je suis bien persuadée que dans quelques mois l’idée même de nous quitter, ne se présentera pas à ton esprit… Baises-moi, mignonne, tu es extrêmement jolie, et j’ai la plus grande envie de