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étaient venu s’établir dans cet agreste asyle, où tout paraissait leur promettre la plus longue impunité de leurs crimes.

D’Esterval, plus âgé que sa femme, était un fort bel homme de quarante-cinq ans, singulièrement bien constitué, des passions terribles, un corps de fer, un membre sublime, et des singularités dans la jouissance, dont nous parlerons dès que nous le verrons aux prises. Suffisamment à leur aise pour se passer d’être aubergistes, d’Esterval et sa fougueuse épouse n’exerçaient ce métier que parce qu’il favorisait leurs exécrables penchans : une maison superbe au milieu d’un beau bien les attendait en Poitou, dans le cas malheureux où la fortune cesserait de couvrir leurs erreurs.

Il n’y avait point d’autres domestiques dans ce logis que les deux servantes dont nous avons parlé : là depuis leur enfance, ne connaissant point d’autre local, ne sortant jamais, nageant dans l’abondance, partageant les faveurs du maître et de la maîtresse, il n’y avait nullement à craindre qu’elles songeassent à s’en évader. Madame d’Esterval pourvoyait seule aux provisions ; elle allait une fois par semaine à la ville chercher ce que ne pouvait