Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et celle-là n’a d’effets que sur nous. Les crimes me délectent, je les adopte ; j’abhorre la vertu, je la fuis ; je l’aimerais peut-être, si j’en avais reçu quelques jouissances. Oh ! Justine, corromps-toi à mon exemple ; elle est ingrate la déesse que tu sers ; elle ne te dédommagera jamais des sacrifices qu’elle exige, et tu l’auras servie tout le tems de tes jours, sans mérite comme sans récompense. — Mais si ce que vous faites était bien, madame, les hommes le puniraient-ils ? — Les hommes punissent ce qui leur nuit ; ils écrasent le serpent qui les pique, sans qu’on puisse en induire pour cela le plus léger argument contre l’existence de ce reptile. Les loix sont égoïstes, nous devons l’être ; elles servent à la société, mais les intérêts de la société ne sont pas les nôtres ; et lorsque nous flattons nos passions, nous faisons individuellement ce qu’elles font en masse ; il n’y a que les résultats qui diffèrent.

Quelquefois d’Esterval se mêlait à ces conversations : elles prenaient alors une physionomie plus imposante. Immoral par principes et par tempérament, athée par goût et par philosophie, d’Esterval, combattant tous les préjugés, ne laissait à la malheureuse Justine