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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/191

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nous oblige à créer des chimères, et bien souvent à nous consoler par elles ; mais l’existence d’un culte religieux n’en est pas plus démontré pour cela. L’homme serait le plus heureux des êtres, si du seul besoin qu’il a d’une illusion quelconque en naissait aussi-tôt la réalité. Encore une fois notre intérêt ne décide point de la réalité d’une chose ; et quand même il nous serait plus avantageux d’avoir affaire à un être aussi favorable que ses partisans le désignent, cela ne prouverait nullement l’existence de cet être. Il est mille fois plus agréable pour l’homme de dépendre d’une nature aveugle, que d’un être dont les bonnes qualités, soutenues par les seuls théologiens, sont à tout moment démenties par les faits. La nature, bien étudiée, nous fournit tout ce qu’il nous faut pour nous rendre aussi heureux que notre existence le comporte. C’est dans elle que nous trouvons de quoi satisfaire nos besoins physiques ; c’est dans elle seule que sont toutes les loix de notre bonheur et de notre conservation : loin d’elle il n’est plus que des chimères, que nous ne devons cesser de maudire et de détester toute notre vie.

Mais si Justine n’avait pas, pour répondre à tant de philosophie, cette vigueur d’esprit