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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/192

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qui caractérisait aussi-bien ses hôtes, elle tirait quelquefois de son cœur des idées auxquelles eux-mêmes se trouvaient fort embarrassés de répondre. C’est ce qui lui arriva un jour où d’Esterval la combattait sur le penchant qu’elle éprouvait à la bienfaisance, et où il lui faisait sentir toute la fausseté de cette prétendue vertu : Eh ! oui, oui, monsieur, je le sais, disait-elle avec cette pathétique éloquence de l’ame, qui vaut souvent bien mieux que celle de l’esprit ; oui, oui, je sais fort bien qu’on ne fait que des ingrats en se livrant à la bienfaisance, mais j’aime encore mieux avoir à souffrir de l’injustice des hommes que des reproches de mon cœur[1].

Telles étaient les conversations de cette société, dont la corruption et les mœurs ne parvenaient point encore, comme on le voit à détruire dans notre héroïne les excellens principes de son enfance, lorsque des étrangers arrivèrent à l’auberge.

Oh ! pour ceux-ci, dit d’Esterval, ils ne nous rapporteront pas grand argent… mais

  1. La pauvre fille ne savait pas que l’injustice des hommes nous maîtrise, et qu’on fait ce qu’on veut de son cœur.