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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/194

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gens dans la chambre ordinaire ; je vais pourvoir à leur souper. Et Justine, le cœur gros de soupirs, Justine qui conçoit facilement, à l’ordre qu’elle reçoit, que le sort de ceux-ci ne sera pas meilleur que celui des autres, conduit tristement cette pauvre famille au fatal logement qui lui est destiné.

Infortunés, leur dit-elle dès qu’elle les y vit établis, rien ne peut vous mettre à couvert de la scélératesse des gens chez qui vous êtes ; n’essayez même pas d’en sortir, vous ne le pourriez plus maintenant. Mais ne vous couchez pas ; brisez, coupez, s’il vous est possible, les barreaux de votre fenêtre ; laissez-vous glisser dans la cour, et sauvez-vous avec la rapidité de l’éclair. — Comment ?… que dites-vous ?… oh ! ciel !… des malheureux comme nous !… qu’avons-nous donc, hélas ! qui puisse éveiller la fureur ou la rapacité des gens dont vous nous parlez ?… oh ! cela est impossible ! — Rien de plus certain ; pressez-vous ; dans un quart-d’heure il ne sera plus tems. — Et quand j’essayerais, dit le père en s’approchant de la fenêtre, quand je suivrais vos avis, cette cour où nous tomberions… vous le voyez, elle est entourée d’un mur ; nous serions de même enfermés… Eh bien !