Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monstre ! il savait bien qu’il faisait mon malheur : se fut-il mêlé de moi sans cela ? Ainsi perpétuellement entre le remord de vivre dans le crime et le désespoir d’en pouvoir arracher sa maîtresse, la pauvre fille languissait, usait son esprit en expédiens, et ne pouvait réussir à en trouver quelques-uns qui pussent les soustraire l’une et l’autre à tant de malheurs et tant d’infortunes.

— O Justine ! tu vas voir encore arriver de nouveaux personnages dans ce château, lui dit un jour madame de Gernande, qui voyait bien qu’enfin cette pauvre fille était digne de sa confiance. — Qui donc, madame ? — Monsieur de Verneuil, un nouvel oncle de Bressac, ton persécuteur, un frère de mon mari ; il vient régulièrement ici deux fois par an, avec sa femme, son fils et sa fille. — Ah ! tant mieux, madame, répondit Justine, vous serez au moins tranquille pendant cet intervalle.

— Tranquille, ma chère, ah ! dis que je serai mille fois plus tracassée ; ces deux voyages ne sont pour moi que des époques de tourment et de malheurs ; c’est alors que tous mes maux redoublent ; c’est dans ces cas-là qu’il n’est pas d’infortunés sur la roue dont les tourmens soient aussi cruels ; écoutes-moi, Justine, et