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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/294

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comme chez ma mère, risquer ta vie pour la défendre ? Eh ! renonces donc une bonne foi, ma fille, à ce caractère de bonté ou plutôt de bêtise, qui t’a si mal réussi jusqu’à ce moment, plus égoïste, et par conséquent plus sage, ne t’embarrasses que de toi seule, et cesses de te composer éternellement, comme tu fais, une multitude de chagrins, en épousant toujours ceux des autres. Que t’importe l’existence ou la mort de cette femme près de laquelle on t’a placée ? Y a-t-il quelque chose de commun entre elle et toi ? Et comment es-tu donc assez simple pour te créer ainsi des liens imaginaires, qui ne feront jamais que ton malheur ? Éteins ton ame, Justine, comme tu nous vois endurcir les nôtres ; tâches de te faire des plaisirs de tout ce qui a armé ton cœur ; parvenue bientôt comme nous à la perfection du stoïcisme, ce sera dans cette apathie que tu sentiras naître une foule de nouveaux plaisirs bien autrement délicieux que ceux dont tu crois trouver la source dans ta funeste sensibilité ; crois-tu donc que dans mon enfance je n’avais pas un cœur comme toi ? mais j’en ai comprimé l’organe ; et c’est dans cette dureté voluptueuse que j’ai découvert le foyer d’une multitude d’égaremens et de vo-