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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/100

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l’année, dans le luxe et dans l’abondance. Comme il n’est point une plus sotte vertu que la pitié, aussi n’en est-il point de plus facile à allumer dans le cœur de l’homme. Quelques accens de voix plaintifs, une éloquence de situation, des maux supposés, des plaies contrefaites, un costume dégoûtant, telles sont les ruses qui servent à mouvoir les ressorts de l’ame, et qui nous assurent une aisance perpétuelle dans la fainéantise et l’oisiveté. Nous sommes environ cent dans ce souterrain ; un tiers est toujours en exercice, pendant que le reste boit, mange, fout et se divertit. Jettes les yeux sur ce tas de béquilles… de bosses, d’emplâtres qui nous déguisent, sur ces herbes qui nous défigurent[1], sur ces enfans, dont nous nous servons pour entr’ouvrir les entrailles des mères ; voilà nos fonds, nos biens, nos immeubles ; voilà l’assiette certaine

  1. L’épurge, ou la catapuce ordinaire, vulgairement connue sous le nom de réveil-matin, et qui croît en abondance dans les bois voisins de Paris, telle est la simple dont ces coquins se servent pour se défigurer, en en exprimant le suc sur leur visage. Ce suc laiteux se range aussi dans la classe des poisons.