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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/162

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rien de tout ce qui pouvait le plus promptement corrompre nos esprits et nos cœurs.

Lorsque nous eûmes atteint treize ou quatorze ans, la chère maman n’en resta point là. L’infâme créature osa nous conduire dans une maison où deux libertins s’amusèrent d’elle et de nous tout à-la-fois. Cent louis était la récompense de cette prostitution ; elle nous en donnait dix à chacun, sous les clauses du plus profond mystère ; et si, continuait-elle, nous étions exacts à ne rien révéler, elle nous procurerait bien d’autres aventures. Nous la satisfîmes ; et, dans moins de six mois, la bonne dame nous vendit ainsi l’un et l’autre à plus de quatre-vingt personnes, lorsque de l’Aigle, un jour, par unique principe de méchanceté, dévoila tout à mon père. Siméon, furieux, battit ma mère d’une si terrible force, qu’elle en tomba malade, et qu’au bout de huit jours elle se vit aux portes du tombeau. Ne restons pas ici, me dit mon frère ; cette bougresse-là va crever, et Siméon, ou nous gardera pour sa jouissance, ce qui ne nous rapportera pas grand chose, ou nous fera mettre à l’hôpital, ce qui deviendrait encore pis : tu es assez jolie pour faire fortune toute seule, et