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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/178

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dans l’esprit de vous fixer dans un tel coupe-gorge ? — C’est que ceux qui l’habitent ne sont pas des gens très-honnêtes, dit Roland ; il serait possible que vous ne fussiez pas fort édifiée de leurs occupations. — Ah ! monsieur vous me faites frémir ! où me menez-vous donc ? — Je te mène servir de faux monnayeurs, dont je suis le chef, dit Roland en saisissant le bras de Justine, et lui faisant traverser de force un petit pont, qui s’abaissa et se releva tout de suite après. Vois-tu ce puits, continua-t-il dès que l’on fut entré, en montrant à Justine une grande et profonde grotte, située au fond de la cour, où quatre femmes, nues et enchaînées, faisaient mouvoir une roue ; voilà tes compagnes, et voilà ta besogne. Moyennant que tu travailleras journellement dix heures à tourner cette roue, et que tu satisferas, comme ces femmes, tous les caprices où il me plaira de te soumettre, il te sera accordé six onces de pain noir et un plat de féves par jour. Pour ta liberté, renonces-y ; tu ne l’auras jamais. Quand tu seras morte à la peine, on te jettera dans le trou que tu vois à côté de ce puits, avec deux cents autres coquines de ton espèce qui t’y attendent, et l’on te remplacera par une nouvelle.