Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oh ! grand Dieu ! s’écria Justine en se précipitant aux pieds de Roland, daignez vous rappeler, monsieur, que je vous ai sauvé la vie… qu’un instant ému par la reconnaissance, vous semblâtes m’offrir le bonheur, et que c’est en m’engloutissant dans un abîme éternel de maux que vous aquitez mes services. Ce que vous faites est-il juste ? et le remords ne vient-il pas déjà me venger au fond de votre cœur ? — Qu’entends-tu, je te prie, par ce sentiment de reconnaissance dont tu t’imagines m’avoir captivé, dit Roland ? Raisonnes mieux, chétive créature ; que faisais-tu, quand tu vins à mon secours ? Entre la possibilité de suivre ton chemin et celle de venir à moi, n’as-tu pas choisi le dernier parti comme un mouvement inspiré par ton cœur ? Tu te livrais donc à une jouissance ? Par où diable prétends-tu que je sois obligé de te récompenser des plaisirs que tu te donnes ? et comment te vint-il jamais dans l’esprit qu’un homme qui, comme moi, nage dans l’or et dans l’opulence, daigne s’abaisser à devoir quelque chose à une misérable de ton espèce ? m’eusses-tu rendu la vie, je ne te devrais rien, dès que tu n’as agi que pour toi : au travail, esclave, au travail, apprends que la civilisa-