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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/181

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geant, ou parce qu’étant malheureuse, tu t’es imaginée de gagner quelque chose à ton procédé ? le service fût-il même rendu d’égal à égal, jamais l’orgueil d’une ame élevée ne se laissera courber par la reconnaissance ; celui qui reçoit n’est-il pas toujours humilié ? et cette humiliation qu’il éprouve ne paye-t-elle pas suffisamment le bienfaiteur, qui, par cela seul, se trouve au-dessus de l’autre ? n’est-ce pas une jouissance pour l’orgueil que de s’élever au-dessus de son semblable ? en faut-il d’autre à celui qui oblige ? et si l’obligation, en humiliant celui qui reçoit, devient un fardeau pour lui, de quel droit le contraindre à le garder ? pourquoi faut-il que je consente à me laisser humilier chaque fois que me frappent les regards de celui qui m’a obligé ? l’ingratitude, au lieu d’être un vice, est donc la vertu des ames fières, aussi certainement que la reconnaissance n’est que celle des ames faibles ? Qu’on m’oblige, tant qu’on voudra si l’on y trouve une jouissance, mais qu’on n’exige rien pour avoir joui.

À ces mots, auxquels Roland ne donna pas à Justine le tems de répondre, deux valets la saisissent par ses ordres, la dépouillent, font