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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/198

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jeune, appelée Suzanne, avec des yeux charmans, avait encore des traits délicieux. Roland l’avait prise à Lyon ; et, après l’avoir enlevée à sa famille, sous le serment de l’épouser, il l’avait conduite dans son affreuse maison. Elle y était depuis trois ans, et plus particulièrement encore que ses compagnes, l’objet des férocités de ce monstre. À force de coups de nerf de bœuf, ses fesses étaient devenues calleuses et dures comme une vieille peau de vache desséchée au soleil ; elle avait un cancer au sein gauche, et un abcès dans la matrice, qui lui causaient des douleurs inouies. Tout cela était l’ouvrage du perfide Roland ; chacune de ces horreurs était le fruit de ses lubricités. Ce fut d’elle que Justine apprit que ce coquin était à la veille de se rendre à Venise, si les sommes considérables qu’il venait de faire dernièrement passer en Espagne lui rapportaient les lettres-de-change qu’il attendait pour l’Italie, parce qu’il ne voulait point porter son or au-delà des monts. Il n’y en envoyait jamais ; c’était dans un pays différent de celui où il se proposait d’habiter, qu’il faisait passer ses fausses espèces. Par ce moyen, ne se trouvant riche, dans le lieu où il voulait se fixer, que des papiers d’une autre contrée, ses