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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/246

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prouve que cette Providence aime l’ordre, et par conséquent la vertu ? Ne te donne-t-elle pas sans cesse des exemples de ses injustices et de ses irrégularités ? Est-ce en envoyant aux hommes la guerre, la peste et la famine ? est-ce en ayant formé un univers, vicieux dans toutes ses parties, qu’elle manifeste à tes yeux son amour extrême pour le bien ? Pourquoi veux-tu que les individus vicieux lui déplaisent, puisqu’elle n’agit elle-même que par des vices, que tout est vice et corruption dans ses œuvres, que tout est crime et désordre dans ses volontés ? Mais de qui tenons-nous d’ailleurs ces mouvemens qui nous entraînent au mal ? n’est-ce pas sa main qui nous les donne ? est-il une seule de nos sensations qui ne vienne d’elle, un seul de nos desirs qui ne soit son ouvrage ? Est-il donc raisonnable de dire qu’elle nous laisserait ou nous donnerait des penchans pour une chose qui lui nuirait, ou qui lui serait inutile ! Si donc les vices lui servent, pourquoi voudrions-nous y résister ? de quel droit travaillerions-nous à les détruire ? et d’où vient étoufferions-nous leur voix ? Un peu plus de philosophie dans le monde remettrait bientôt tout dans l’ordre, et ferait voir aux magistrats, aux législateurs, que les crimes qu’ils