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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/247

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blâment et punissent avec tant de rigueur, ont quelquefois un degré d’utilité bien plus grand que ces vertus qu’ils prêchent sans les pratiquer eux-mêmes, et sans jamais les récompenser. — Quand je serais assez faible, madame, répondit Justine, pour embrasser vos affreux systêmes, comment parviendriez-vous à étouffer les remords qu’ils feraient à tout instant naître dans mon cœur ? — Le remords est une chimère, reprit la Dubois ; il n’est, ma chère Justine, que le murmure imbécille de l’ame assez timorée pour n’oser pas l’anéantir. — L’anéantir ! le peut-on ? — Rien de plus aisé ; on ne se repent que de ce qu’on n’est pas dans l’usage de faire. Renouvelez sans cesse ce qui vous donne des remords, et vous les éteindrez facilement ; opposez-leur le flambeau des passions, les loix puissantes de l’intérêt, vous les aurez bientôt dissipés. Le remords ne prouve pas le crime, il dénote seulement une ame facile à subjuguer. Qu’il vienne un ordre absurde de t’empêcher de sortir à l’instant de cette chambre, tu n’en sortirais pas sans remords, quelque certain qu’il fût que tu ne ferais pourtant aucun mal d’en sortir. Il n’est donc pas vrai qu’il n’y ait que le crime qui donne des remords. En se persuadant du néant