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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/250

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nébreux, seuls fruits de l’ignorance et de l’éducation. On sentira dès-lors que, dès qu’il n’est de crime réel à rien, il n’y a que de l’extravagance à se repentir et à n’oser faire tout ce qui peut nous être utile ou agréable, quelque soient les digues qu’il faille culbuter pour y parvenir. J’ai commis mon premier crime à quatorze ans, Justine ; celui-là brisait tous les liens qui me gênaient… Je fis, à l’être qui m’avait donné la vie, le présent le plus contraire à celui que j’avais reçu de lui… tu m’entends ? Le malheureux ! je le vois encore rendre l’ame, et n’y pense jamais sans les plus piquantes émotions de plaisir ! Je n’ai cessé depuis de courir à la fortune par une carrière semée d’horreurs ; il n’en est pas une seule que je n’aye commise… ou fait faire, et je n’ai jamais connu de remords. Je touche à la fin au but ; encore deux ou trois coups heureux, et je passe de l’état de médiocrité, où je devais finir mes jours, à plus de 100 mille livres de rente. Je le répète, chère fille, jamais dans cette route, heureusement parcourue, le remords ne m’a fait sentir ses épines. Un revers inattendu me précipiterait-il dans l’abîme, je ne réprouverais pas davantage ; je me plaindrais des hommes ou de ma mal-