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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/251

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adresse, mais je serais toujours tranquille avec ma conscience. — Soit, répondit Justine ; mais raisonnons un instant, madame, d’après vos principes mêmes. De quel droit prétendez-vous que ma conscience soit aussi ferme que la vôtre, dès qu’elle n’a pas été accoutumée dès l’enfance à vaincre les mêmes préjugés ? à quel titre voulez-vous que mon esprit, qui n’est pas organisé comme le vôtre, puisse adopter le même systême ? Vous admettez qu’il y a une somme de bien et de mal dans la nature, et qu’il faut en conséquence une certaine quantité d’êtres qui pratique le bien, et une autre qui se livre au mal. Le parti que je prends en adoptant le bien est donc dans la nature ; d’où vient exigeriez-vous, d’après cela, que je m’écartasse des règles qu’elle me prescrit ? Vous trouvez, dites-vous, le bonheur dans la carrière que vous parcourez : eh bien ! madame, d’où vient que je ne le trouverais pas également dans celle que je suis ? n’imaginez pas, d’ailleurs, que la vigilance des loix laisse en repos long-tems celui qui les enfreint : vous venez d’en voir un exemple frappant ; de quinze fripons parmi lesquels j’habitais, un seul se sauve ; quatorze périssent ignominieusement. — Et voilà donc ce que tu appelles