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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/252

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un malheur, reprit la Dubois ! Mais, que fait cette ignominie à celui qui n’a plus de principes ? Quand on a tout franchi ; quand l’honneur, à nos yeux, n’est plus qu’un préjugé, la réputation une chose indifférente, la religion une chimère, la mort un anéantissement total, n’est-ce donc pas la même chose alors de périr sur un échafaud ou dans son lit. Il y a deux espèces de coquins dans le monde, Justine ; celui qu’une fortune puissante, un crédit prodigieux, met à l’abri de cette fin tragique, et celui qui ne l’évitera pas, s’il est pris. Ce dernier, né sans bien, ne doit avoir qu’un seul desir, s’il a de l’esprit ; devenir riche, à quelque prix que ce puisse être ; s’il réussit, il a ce qu’il a voulu, il doit être content ; s’il périt, que regrettera-t-il, puisqu’il n’a rien à perdre ! Les loix sont donc nulles vis-à-vis de tous les scélérats, dès qu’elles n’atteignent pas celui qui est puissant, et qu’il est impossible au malheureux de les craindre, puisque leur glaive est sa seule ressource. — Eh ! croyez-vous, madame, répondit vivement Justine, que la justice céleste n’attende pas, dans un autre monde, celui que le crime n’a pas effrayé dans celui-ci ? — Je crois, répondit cette femme dangereuse,