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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/264

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des larmes à Justine ; les bons procédés sont bien doux, quand on en éprouve depuis si long-tems d’odieux ; elle accepte tout, en protestant qu’elle ne va s’occuper qu’à pouvoir s’acquitter un jour. Hélas ! disait-elle en se retirant, si l’exercice d’une nouvelle vertu vient de me précipiter dans l’infortune, au moins, pour la première fois de ma vie, l’espérance d’une consolation s’offre-t-elle dans ce gouffre épouvantable de maux où la vertu me précipite encore.

Il était de bonne heure ; le besoin de respirer avait fait descendre Justine sur le quai de l’Isère, à dessein de s’y promener quelques instans, et comme il arrive presque toujours en pareil cas, ses réflexions la conduisirent fort loin. Un bosquet isolé la fixe ; elle s’y asseoit pour rêver plus à l’aise ; cependant la nuit vient sans qu’elle pense à se retirer, lorsqu’elle se sent tout-à-coup saisie par trois hommes ; l’un lui met une main sur la bouche ; les deux autres la jettent précipitamment dans une voiture, y montent avec elle, et l’on fend les airs pendant trois grandes heures, sans qu’aucun de ces brigands daigne lui dire une parole, ni répondre à aucune de ses questions.