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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/300

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niens, nous nous précipiterons dans un gouffre dont rien ne pourra plus nous sortir ; et tout cela, pour des sentimens d’une fausse pitié ; comme si la pitié ne consistait pas à maintenir les loix de la nature, bien plutôt qu’à les renverser !… comme si la véritable humanité pouvait nous obliger à perdre la plus importante classe des sujets pour engraisser l’autre ! Loin de nous ces perfides sentimens ; soyons plutôt inhumains et barbares, si ce n’est qu’au prix de cette manière d’être que nous pouvons honorer la nature, et maintenir à tout, l’ordre sublime dont elle nous donne l’exemple. Eh ! qui doute que la pitié ne soit une faiblesse, quand elle conduit à des inconvéniens de cette force ? Et quelle est donc cette fausse pitié qui vise à renverser tous les principes de l’équité et de la loi naturelle ? Érigeriez-vous en sentiment louable celui dont les dangers seraient aussi manifestés ? Il vaudrait autant dire qu’un maître fait une bonne œuvre, en se passant de son dîner, pour le donner à son chien. Analysons mieux les vrais mouvemens de la nature. La pitié, sans aucun doute, est une faiblesse dans tous les cas ; mais elle devient un crime réel… un crime d’État dans celui-ci, et tel qui y s’en laisse toucher, devient réellement digne de punition.