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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/339

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m’arrachâtes ce que j’avais de plus cher  ; par un raffinement de cruauté sans exemple vous me dérobâtes le peu d’argent que je possédais, comme si vous eussiez desiré que l’humiliation et la misère vinssent achever d’écraser votre victime. Que n’avez-vous pas entrepris depuis, pour perpétuer mes malheurs  ? Vous avez bien réussi, homme barbare, assurément vos succès sont entiers  ; c’est vous qui m’avez perdue  ; c’est vous qui avez entr’ouvert l’abîme où je n’ai cessé de tomber depuis ce malheureux instant. J’oublie tout néanmoins, monsieur, oui, tout s’efface de ma mémoire  ; je vous demande même pardon d’oser vous en faire des reproches  ; mais, pourriez-vous vous dissimuler qu’il ne me soit dû quelques dédommagemens… quelque reconnaissance de votre part  ? Ah  ! daignez n’y pas fermer votre ame, quand le voile de la mort s’étend sur mes tristes jours  ; ce n’est pas elle que je crains, c’est l’ignominie  ; sauvez-moi de l’horreur de mourir comme une criminelle  ; tout ce que j’exige de vous, se borne à cette seule grace  ; ne me la refusez pas, monsieur, ne me la refusez pas, et le ciel et mon cœur vous en récompenseront un jour.

Justine était en larmes devant cet homme