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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/373

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O juste ciel ! s’écria-t-elle, quand elle se vit au moment de son supplice, sous quel astre suis-je donc née, pour n’avoir jamais pu concevoir un seul sentiment honnête, qui n’ait été suivi sur-le-champ de tous les fléaux de l’infortune ! et comment se peut-il que cette Providence éclairée, dont je me plais d’adorer la justice, en me punissant de mes vertus, m’offre en même-tems au pinacle ceux qui in écrasaient de leurs vices.

Une femme de haut parage, un millionnaire complotent, dans mon enfance, contre mon honneur et ma virginité ; ils se vengent de leur peu de succès, en me faisant une affaire, qui me conduit aux pieds de l’échafaud ; de grandes richesses les attendent, et je suis à la veille d’être pendue. Je tombe parmi des voleurs ; je m’en échappe avec un homme à qui je sauve la vie ; pour ma récompense, il me viole, et me laisse écrasée sous ses coups. J’arrive chez un seigneur débauché, qui veut me faire poignarder sa mère ; le traître a l’art de faire retomber sur moi ce qu’il a seul commis : je fuis, la prospérité le couronne. Je vais de-là chez un chirurgien incestueux et meurtrier, à qui je tâche d’épargner un infanticide épouvantable, ; le meurtre se consomme ; et