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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/71

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Justine, d’après l’impulsion naturelle à tous les hommes, s’enveloppait donc un instant du crêpe lugubre de ses réflexions, lorsqu’une gazette lui tombe sous les yeux : elle y lit que Rodin, cet artiste de Saint-Marcel, cet infâme qui l’avait si cruellement punie d’avoir voulu lui épargner l’infanticide le plus odieux, vient d’être nommé premier chirurgien de l’impératrice de Russie, avec des appointemens considérables. Grand Dieu ! dit-elle avec étonnement, il est donc écrit dans le ciel que je ne dois voir que des exemples du vice récompensé et de la vertu dans les fers ! Eh bien ! qu’il triomphe, ce scélérat, puisque la Providence le veut ainsi, qu’il triomphe ; et toi, souffres, malheureuse ; mais souffres sans te plaindre, c’est l’arrêt du destin ; soumets-toi, et quelqu’épineuse que soit la carrière, saches la parcourir avec fermeté ; la récompense est dans ton cœur, et la pureté de sa jouissance vaut mieux que tous les remords dont tes adversaires sont bourrelés… Elle ignorait, la pauvre créature, que le remord est nul dans des ames semblables à celles qui faisaient le malheur de sa vie, et qu’il est une certaine période de méchanceté où l’homme, bien loin de s’affliger du mal