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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/97

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des baisers sur une bouche que la faim desséche, et qui ne s’ouvre que pour le maudire. Fuyons.

Justine fut bientôt hors de la ville ; mais on eût dit que les malheurs et les aventures devaient entraver toutes ses démarches, et que le destin, irrité contre elle, devait la faire heurter contre tous les projets de vertus que pouvait concevoir sa belle ame.

À peine a-t-elle fait deux lieues à pied, comme à son ordinaire, deux chemises et quelques mouchoirs dans ses poches, qu’elle rencontre une vieille femme, qui l’aborde avec l’air de la douleur, et qui la conjure de lui faire l’aumône. Loin de la dureté dont elle vient de recevoir d’aussi cruels exemples, ne connaissant de bonheur au monde que celui d’obliger, elle sort à l’instant sa bourse, à dessein d’en tirer un écu, et de le donner à cette femme. Mais l’adroite créature, qui n’avait emprunté le masque de la vieillesse que pour tromper Justine, saute lestement sur la bourse, la saisit, renverse celle qui la tient d’un vigoureux coup de poing dans l’estomac, et disparaît dans un taillis. Justine, bientôt relevée, s’élance sur les pas de celle qui la vole, l’atteint, et tombe avec elle, par une