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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/116

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joui seul du bonheur de la rendre mère.

Oh ciel ! s’écria la malheureuse Justine, mon père était vivant et je l’ignorais ; Dieu ! que ne me l’envoyais-tu, j’eusse adouci ses peines, j’eus partagé ma misère avec lui, et il eût, ma sœur, retrouvé dans mon ame sensible, les consolations que la votre lui refusa barbarement sans doute. Mon enfant, dit le marquis, qu’une nuit passée avec Justine avait étonnamment irrité contre cette fille, quand on vous fait ici l’honneur de vous admettre, ce n’est point pour entendre vos jérémiades, et je prie madame de continuer.

J’imagine, mes amis, que vous me rendez assez de justice pour croire que je n’étais ni flattée ni attendrie de cet événement ; aucune ame n’était moins faite que la mienne aux reconnaissances dramatique ; je n’avais pas même versé une larme pour la perte de celui que je croyais mon père depuis ma naissance : était-il naturel que je fusse fort touchée des malheurs de celui que le hasard me rendait. J’avais d’ailleurs, vous le savez, un profond éloignement pour les aumônes, c’était, selon moi, l’argent le plus mal employé ; et l’individu qui se présentait avait