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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/120

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jamais rien aux pauvres ; c’est donc pour la dernière fois que je vous supplie de sortir de mon appartement, si vous ne voulez pas que je vous fasse pourrir dans un cachot. Un mouvement de rage s’empare aussitôt de cet homme ; employant tour-à-tour les imprécations et les prières, les invectives et les mots les plus tendres, il se jette la tête contre terre, il se la brise, des flots de sang inondent mon cabinet… Ce sang est le mien, et c’est avec délice que je le vis répandre ; après avoir joui quelques instans, je sonne : qu’on prenne l’adresse de cet original, dis-je à mes gens, et qu’on le fasse aussitôt sortir de chez moi ; on m’obéit… J’étais dans une agitation… dans un feu… Je fus obligée d’aller m’éteindre dans le sein de mes femmes, qui furent deux heures avant que de pouvoir m’appaiser. Puissant effet du crime sur un cœur comme le mien ! Il était écrit dans le livre sacré de la nature, que tout ce qui révolterait les ames ordinaires devait délecter la mienne, et que tout ce qui devait outrager cette nature méconnue par elles, devait, absolument devenir pour moi les premiers moyens du plaisir.

Le ministre et Noirceuil dînaient tous les