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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/124

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dente et l’amie du ministre ; d’un mot, il peut me perdre : vous ne m’avez rien inspiré comme père, je l’avoue ; un autre sentiment mille fois plus tendre et plus délicat, en me faisant redouter la chûte, m’a contrainte à ne vous montrer que de la dureté, où s’allumait le plus saint amour… Bernole, vous avez aimé ma mère, je veux que vous m’aimiez aussi ; il ne s’agit, pour être heureux ensemble, que d’une discrétion à toute épreuve ; en êtes-vous capable ?

L’honnête et loyal Bernole frémit à ce discours… Oh Juliette ! me dit-il, très-ému, je ne cherche à ranimer en vous que les sentimens de l’amour filial ; ceux-là seuls me sont dûs ; la religion et l’honneur, dont je fis toujours profession, m’empêchent d’en accepter d’autres : ne me taxez pas d’immoralité, pour avoir vécu avec votre mère, nous n’avons jamais cru, l’un et l’autre, respecter d’autres nœuds que ceux volontairement adoptés par nous à la face du ciel ; c’est un tort, j’en conviens, mais c’est celui de la nature, et ceux que vous me proposez lui feraient horreur. Quel préjugé, Bernole, m’écriai-je, en devenant pressante au point de baiser sa bouche et de laisser tomber une