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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/142

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tromper nous-mêmes ? la principale étude de l’homme, et sur-tout de l’homme d’état, est de pénétrer toujours les autres sans se laisser démêler lui-même ; c’est son seul talent. Or, s’il n’arrive-là que par la fausseté, la fausseté est donc une vertu ; dans un monde absolument corrompu, il n’y a jamais de danger à être plus gangrené que les autres ; c’est s’assurer alors toute la somme de bonheur et de tranquillité que nous procurerait la vertu dans un gouvernement moral ; mais jamais la machine qui mène le gouvernement ne pourra être vertueuse, parce qu’il est impossible de prévenir tous les crimes, de se mettre à l’abri de tous les crimes sans être criminel aussi ; ce qui mène des hommes corrompus doit être corrompu lui-même ; et ce ne sera jamais avec la vertu, qui est un mode sans action, que vous conduirez le vice, qui est un mode toujours en action ; le gouvernant doit avoir plus d’énergie que le gouverné ; or, si celle de gouverné n’est pétrie que de crimes, comment voulez-vous que celle du gouvernant ne soit pas elle-même criminelle ; les punitions que l’on employe pour l’homme sont-elles autre chose que des