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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/228

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toujours aimé l’idée des poisons. — Ah ! mon ange, il est délicieux d’être maître de la vie des autres. Il faut absolument, dis-je, que ce soit une grande jouissance que celle-là, car, au même instant où tu m’as parlé de ce projet, j’ai senti mes nerfs tressaillir, une flamme inconcevable embrâsait leur masse, et je suis sûre que si tu me touchais, tu me verrais encore toute mouillée. Ah ! sacre-dieu, me dit Clairwil, en me troussant pour vérifier, quelle tête est la tienne, ma chère ?… comme je t’aime… tu es un Dieu pour moi… Mais ne m’as-tu pas dit, ce me semble, que Saint-Fond t’avait confié une caisse entière. Qu’en as-tu fait ? — Elle est consommée, et je n’ose plus lui en demander. — Comment, tu as usé ? — Tout. — Pour ses besoins ? — Un tiers au plus, le reste pour mes passions. — Des vengeances ? — Quelques-unes, mais beaucoup de lubricités. — Délicieuse créature ! — Oh Clairwil ! tu n’imaginerais jamais jusqu’où j’ai porté l’horreur en ce genre… les voluptés que m’ont fait éprouver ces écarts ! Une boëte de dragées empoisonnées, dans mes poches, je parcourais à pied, déguisée, les promenades publiques, les bordels ; je distribuais indiffé-