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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/230

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bientôt aux exécrations. Les causes sont les mêmes, il n’y a que les effets qui diffèrent ; par un accroissement insensible, suite nécessaire des loix de la nature, et plus que tout de la satiété, on commence par une piqûre, on finit par un coup de poignard : il y a, d’ailleurs, une sorte de perfidie dans l’emploi du poison, qui en accroît singulièrement les délices. Te voilà supérieure à tes maîtres, Juliette, j’en avais peut-être conçu davantage, mais je n’en avais pas tant exécuté… Conçu davantage, dis-je à mon amie ! et que diable, je te prie, pouvais-tu concevoir de plus ? Je voudrais, dit Clairwil, trouver un crime dont l’effet perpétuel agit, même quand je n’agirais plus, en sorte qu’il n’y eût pas un seul instant de ma vie, où même en dormant, je ne fus cause d’un désordre quelconque, et que ce désordre pût s’étendre au point qu’il entraînât une corruption générale, ou un dérangement si formel, qu’au-delà même de ma vie, l’effet s’en prolongeât encore… Je ne vois guère mon ange, répondis-je, pour remplir tes idées sur cela, que ce qu’on peut appeler le meurtre moral, auquel, on parvient par conseil, par écrit ou par action. Belmor et moi, nous avons raisonné sur cette matière ; il y a peu d’imagi-